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L'écriture, un peu d'histoire :

Jusqu'au 9éme siècle après J.C, les Japonais ne savaient ni lire ni écrire. Ils utilisaient les caractères chinois comme ornement à titre décoratif. Ce n'est que par la suite que l'élite japonaise, s'appropria le système d'écriture chinois, qu'elle nomma Kanji (Caractères de "Han"). Mais la façon de parler des Japonais était très différente de celle des Chinois et les caractères Chinois correspondaient mal avec. Au début, les Japonais, lisaient et écrivaient en fait en Chinois, la langue chinoise restera la langue officielle de l'administration japonaise jusqu'au 19éme siècle. Au 9éme siècle, les Japonais créèrent leur propre alphabet (Hiragana et Katagana) qui permettait de retranscrire leurs phonétique spécifique.

 

SHODO ou l'art de la calligraphie :

 

Shodo, "la voie de l'écriture", se pratique au Pinceau, sur du papier, avec de l'encre solide qu'on dilue en la frottant contre une pierre à encre.

Le calligraphe trace son oeuvre d'une seule traite, et ne peut y apporter la moindre retouche. Ainsi peut-on sentir le "souffle" qui a soutenu une oeuvre tracée il y a même deux mille ans.

Car elle est une oeuvre unique, la respiration d'un moment, comparable à l'interprétation d'une oeuvre musicale, mais sa trace matérielle nous reste, comme l'oeuvre d'un peintre.

 

Calligraphie Zen par Shodo Harada Roshi

Maitre Zen Rinzai du Sogenji , à Okayama au Japon

 

Différents styles sont nés en Chine au cours des siècles, en fonction des supports. On a commencé par tailler des pictogrammes dans l'os ou l'écaille de tortue (Kokotsubun), vers 1500-1000 avant J.C, puis on a gravé dans le bronze (Kinbun ) une écriture en pictogrammes avec recherche d'effets décoratifs (Vers 900 avant J.C), à l'époque des Qin (221-206 avant J.C), la première tentative d'unification de la Chine s'accompagne de l'apparition du style Tensho, écriture solennelle utilisée pour les besoins officiels. Le caractère s'éloigne du pictogramme pour devenir abstraction.

 

 

Pour les besoins privés, se crée le style Reisho, dans lequel l'équilibre entre les traits horizontaux et verticaux devient l'axe de la construction du caractère. Jusqu'alors, les écrits étaient du domaine du symbole, une trace de puissance. Mais, la vie administrative s'intensifiant, L'écriture rejoint le domaine du quotidien, se fait culture vivante. Avec l'invention du papier (Début du 2éme siècle après J.C), l'écriture subit de grandes transformations. Apparaissent alors les styles Sosho "Cursif" et Kaisho "régulier", issus du Reisho.

Dans le premier, les caractères sont tracés de façon simplifiée, tous les traits liés, ce qui en rend la lecture parfois difficile. Dans le style Kaisho, tous les traits d'un caractère sont notés nettement, avec précision.

 

Entre tradition et modernité

 

Cette écriture tracée plus rapidement, avec certains traits liés, devient un nouveau style, Gyosho "courant", le plus utilisé dans la vie pratique. Le style Sosho connaîtra son âge d'or, en Chine, au 4éme siècle, mais le style Kaisho n'atteindra son apogée qu'à l'époque des Tang (618-907).

Cependant le papier est une matière chère et précieuse, aussi continue-t-on pendant toute l'époque des Han (206 avant J.C - 220 après J.C) à écrire sur des lamelles de bois (Mokkan) dans un style libre et souple. L'importance de ces lamelles de bois est qu'elles sont le premier témoignage que l'on possède actuellement d'une écriture directement tracée, par opposition aux écrits sur des supports destinés à durer, et qui sont "au second  degré" : d'abord tracés au pinceau, puis ensuite gravés.

 



Les premiers contacts des Japonais avec l'écriture chinoise ont dû avoir lieu vers les 1er et 2éme siècles de notre ère. Mais son assimilation se fera plus tard, vers les 5éme et 6éme siècles, en pleine période de maturation des styles Sosho, Gyosho, Kaisho, qui sont encore aujourd'hui les styles les plus pratiqués au japon.

D'autre part, utilisant les caractères chinois phonétiquement, les Japonais en dérivent deux écritures syllabiques : les Hiragana et les Katakana. Les premiers, issus du style cursif, donneront naissance à une calligraphie spécifiquement japonaise permettant à la sensibilité japonaise de mieux s'exprimer, par exemple dans la calligraphie des poèmes.

 

 

Tous ces styles restent aujourd'hui à la disposition de celui qui veut pratiquer la calligraphie. Qu'il s'agisse de professionnels dont les oeuvres peuvent être contemplées dans des expositions, des musées, des livres, chez des collectionneurs... Ou qu'il s'agisse de la vie quotidienne, où la calligraphie reste omniprésente.

Ainsi, le Kaisho sert aux usages administratifs, ou pour la copie des sutras, là où la rigueur est nécessaire. Le Gyosho est par excellence le style de la correspondance, permettant à la fois élégance et clarté. Le Sosho continue à être utilisé pour la notation des poèmes. Le Tensho a trouvé une utilisation toute particulière : il est le style exclusif des sceaux (Au japon, le Hanko "Sceau", fait office de signature pour tout document officiel).

Par ailleurs, il suffit de sortir dans la rue et de regarder. Les enseignes de magasins, les marques de produits, les titres de journaux, de films, etc., sont souvent des oeuvres de grands maîtres.


Les japonais ont un attachement tout à fait particulier à l'acte d'écriture qui échappe à la machine et reste la trace de l'esprit.

 

 

 

DEFINITION DE LA CALLIGRAPHIE JAPONAISE :

 

 

La calligraphie japonaise envisage l'écriture de la langue japonaise du point de vue de l'esthétique. C'est donc un mode d'expression. Celui-ci opère sur trois plans : poétique, pictural et physique.

- Elle manie la langue japonaise et sa charge sémantique elle procède du domaine du pictural (Réunion de formes)
- Elle appartient au registre du physique, le geste préside à sa réalisation

Au Japon, comme en Chine, la calligraphie représente un des trois arts majeurs : SHI, SHO, GA.

 

 

L'APPRENTISSAGE :

 

L'écriture de la langue japonaise

 

 

On admet volontiers que le Japon est la mémoire, l'âme cachée de la Chine. Il a en effet conservé et développé ce que celle-ci laissait se scléroser.

Ceci est particulièrement vrai pour le monde du pinceau qui s'est totalement régénéré an Japon avec l'évolution de la langue.

Au 10ème siècle, la calligraphie japonaise est une émanation directe de l'art chinois de l'écriture auquel elle emprunte les caractères (Kanji)

A l'époque de Heian (Fin du 9ème - 12ème siècle), grâce à l'essor de la littérature féminine, la calligraphie (Onnade) ) devient purement, spécifiquement japonaise, avec l'introduction des syllabes (Kana) utilisées par de grandes poétesses (Murasaki Shikibu, Sei Shonagon, Izumi Shikibu). L'art du pinceau est alors placé au dessus même de la religion.

L'extraordinaire système graphique de récriture japonaise comprend alors 2 types de caractères : les caractères à valeur sémantique (Kanji), les caractères à valeur phonétique (Kana).

L'art de tracer les Kana ne se possède que par l'apprentissage de ces syllabes, tracées seules puis enchaînées dans la copie de phrases courtes.

La signification du texte calligraphié conditionne le résultat final L'apprentissage de la calligraphie japonaise doit donc être obligatoirement sous-tendu par une compétence culturelle qui s'acquière petit à petit avec une introduction, brève, au début de chaque court, à la littérature japonaise.

 

 

La technique du pinceau

 

Pour se familiariser avec la calligraphie japonaise, l'apprentissage des techniques passent par différents points

- Exécuter proprement, simultanément, avec des modèles :


les lignes des Kana seuls puis enchaînés, une poignée de traits et de points, les enchaînés dans le bon ordre pour que les Kanji (Pictogrammes, idéogrammes et combinaisons sémantiques) tiennent debout.

 

SHOTEI Senseï et ses pinceaux

 

La calligraphie japonaise est l'architecture du verbe.

Tracer avec aisance, sans modèles, les deux types de caractères puis prendre des libertés avec les règles pour apporter style et dynamisme jusqu'à atteindre le style cursif.

Arriver avec les grands Kanji (Daiji-sho) à un art plastique pur.

Le style cursif est le grand achèvement qui autorise la pulsion gestuelle, la voie de l'expression de soi.

Le grand art est la personnification extrême du trait.

La pratique passe par une étude, étape par étape, de l'utilisation des outils, des rapports entre le débit de l'encre (Dynamique du pinceau) et l'absorption du papier.

On constatera alors que bien qu'héritière de l'orthodoxie calligraphique chinoise, la calligraphie japonaise s'est donnée une culture graphique propre que l'apprenant saura reconnaître.

 

 

Dans le style dit régulier (Kaisho), on est loin de la sobriété contenue, de l'austérité des tracés de la langue chinoise qui est une langue carrée. Les Kanji présentent les caractéristiques originales :

  • Contrastes accentués.
  • Pointes plus tranchantes.
  • Modulations plus spectaculaires dans le rythme graphique avec alternance de Kanji et de Kana.
  • Dans la composition : style éparpillé, interrompu, montre-cache.

Les modifications esthétiques apportées aux caractères chinois correspondent à la teinture WAYO (Japonification).

La principale différence réside sans doute dans la dénomination de la calligraphie qui, en Chine, se dit SHUFA (Lois de l'écriture), au Japon SHODO (Voie de l'écriture)

 

 

La posture et la gestuelle

 

 

Une pratique régulière conduira chacun vers la maîtrise du trait dans une progression constante. Mais les techniques de maniement du pinceau ne suffisent pas pour écrire comme vole un oiseau on comme un lièvre qui bondit, qui est le but à atteindre. Il faut comprendre les règles de posture et les appliquer.

Tracer c'est produire un déversement d'énergie qui s'évacue dans un grand souffle vers l'extérieur du corps. La calligraphie japonaise est une activité où le corps est totalement impliqué. L'énergie devant être canalisée vers la pointe du pinceau.

 

 

ISA HIRANO, Artiste calligraphe moderne

 

L'apprentissage passe par l'aménagement de l'espace et des outils et par un maintien particulier du corps :

  • Position stable du corps.
  • Gestes rythmés, contenus, sans hâte qui procurent un apaisement du corps et de l'esprit, régulation du souffle et du flux sanguin (Rares sont les calligraphes qui souffrent de problèmes cardio-vasculaires), les tensions fondent, le travail musculaire se réduit au minimum.
  • Une totale décontraction : le regard et l'esprit se fondent dans le HISSHOKU (Toucher avec force, vitesse et précision).

La calligraphie japonaise est plus qu'un art graphique, c'est un art de la sérénité liée à une philosophie universelle.

 

 

Le matériel

 

Fude : pinceaux

Sumi : encre

Kami : papier

Suzuri : encrier

Fudeoki : support pinceaux

Shitajiki : sous-mains en feutre

Bunchin : presse-papiers

 

 

 

 

POURQUOI S'INITIER A LA CALLIGRAPHIE JAPONAISE : Elle est une bonne façon de se mettre sur la voie de "devenir Bouddha".

 

 

Calligraphie au sabre

"Kenshodo"

Kato Shinji Senseï

Hanshi 9 ème dan Batto-do

Iemoto tenshinryu Batto-do

Co-fondateur Seitei toho Batto-do

 

    Pour au moins trois raisons principales :

    Le plaisir de découvrir et de pénétrer les secrets de la civilisation japonaise, la culture traditionnelle japonaise, le sentiment esthétique japonais.

    La fascination qu'exercé la spécificité picturale de l'écriture et sa gestuelle abstraite, la beauté inégalable et mystérieuse des formes obtenues et la possibilité d'innover encore et toujours.

    Elle ouvre la porte à la paix intérieure, procure un équilibre autant moral que physique, c'est l'enseignement des choses bénéfiques :

. Respirer,

. Nous ressaisir,

. Regarder vraiment,

. Apprendre à lire dans le blanc du papier

. Etre le maître des formes à naître

 

Accessoirement la calligraphie japonaise peut produire une œuvre, elle est un art de l'écriture mais qui ne vaut que par la spontanéité lancée dans le vide de la page.

 

 

 

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